Lorsque petit enfant je me promenais avec ma grand mère dans mon village natal, elle s'arrêtait toujours devant un petit bâtiment de bois. Comme beaucoup de ces édifices délaissés des campagnes, il avait sûrement connu des jours plus heureux. Et chaque fois elle me disait : "c'était ici l'arrêt du petit train".
A ma fascination, comme beaucoup d'enfants, pour ces trains qui circulaient encore à toute vapeur, s'ajoutait un mystère qui venait autant des sentiments qui perçaient dans la voix de ma grand mère que de ce curieux vide laissé par l'emprise de la voie démontée entre les hauts murs de pierre qui l'entouraient.
"C'était ici l'arrêt du petit train", cette petite phrase tant de fois répétée reflétait à la fois sa fierté pour un progrès qui lui avait été personnellement accessible (sans nul doute autant que l'électricité quelques années plus tard) et ses regrets pour un temps disparu qui était celui de sa jeunesse.
Ma grand mère disparut le 4 mars 1975, et parmi mes souvenirs d'elle subsiste celui-là.
Quelques années plus tard, je me suis penché sur l'histoire de ce petit train qui circula durant 50 ans, traversant les paysages des vallées de l'Ource et de la Laignes de part et d'autre de la Seine, mais aussi 2 guerres mondiales (en plus de celle de 1870 qui fût désastreuse pour les projets initiaux) et de nombreuses crises de l'économie locale dont la ligne dépendait entièrement.
Partageons ce que j'ai perçu des sentiments de toute une population.