Halte_a_Polisy

Le dimanche 18 et le lundi 19 octobre 1868, l'empereur Napoléon III inaugura en grandes pompes la ligne de chemin de fer Troyes - Châtillon sur Seine, liaison de la Compagnie de L'Est entre Paris et la Méditerranée via Dijon. A mi chemin, à proximité du village de Polisot, la compagnie de l'Est avait construit une gare voyageurs et marchandises. Cet emplacement se trouvait au coeur d'une petite région vinicole au confluent de deux petits affluents avec la Seine : l'Ource et la Laignes.  
       
 

une diligence au départ

Ma grand mère est née le 12 juin 1885 à Polisy. Elle  s'appelait Henriette Artois.

Elle me racontait le départ de la diligence qui passait par le village. Lorsque les solides chevaux ébranlaient la lourde voiture chargée de passagers, de bagages et de colis, les enfants avaient pour habitude de s'accrocher à l'arrière. Le jeu n'était pas sans danger car le cocher connaissait bien cette grappe piaillante qui ralentissait l'allure de l'attelage. Le cocher, avec adresse, lançait sur le côté  son fouet à longue queue et l'enroulait autour de la voiture. Il fallait alors toute l'agilité de la jeunesse pour sauter en marche avant d'être frappé !

 
       
  En 1882, le conseil général de l'Aube avait un ambitieux projet de chemin de fer dans tout le département. Hélas, les décisions tardèrent à être prises car en ces années d'après le désastre de 1870, les finances départementales étaient au plus mal et ce projet impliquait une participation importante des communes. Sollicitées peu d'entre-elles répondirent. En 1886, le projet fut abandonné.  
     
  Ma grand mère n'était pas née que, au chef lieu de canton, Les Riceys, des commerçants, des industriels, des agriculteurs, s'intéressaient beaucoup au chemin de fer et en particulier à celui présenté à l'Exposition universelle de 1855 par un certain M. Decauville. Il coûtait bien moins cher que les trains classiques. Tous se prirent à rêver, comme dans toute la France, à un petit train économique qui rendrait bien des services. En effet, il leur fallait DEUX jours pour parcourir aller-retour  les 10 km qui les séparaient de la gare avec de lourds chariots chargés de marchandises, barriques ou bois. Celui qui fut à l'origine de la ligne était M. Louis Maison. C'est la ténacité de M. Louis Maison et l'impatience d'une population qui voyait dans le chemin de fer une solution à ses difficultés, qui permit de réinscrire, en 1893, le projet à l'ordre du jour du conseil général de l'Aube, la ligne Les Riceys - Cunfin, 35 km avec correspondance avec le réseau de l'Est à Polisot.  
     
 

la halte de Polisy

Nous voici en 1901, ma grand mère est une toute jeune fille. Le 14 septembre c'est l'inauguration de la ligne.

L'enthousiasme est général et chacun veut emprunter ce nouveau moyen de transport. Les trains sont pris d'assaut pour une ballade fantastique : 1165 mètres exactement entre la halte de Polisy et la gare de Polisot pour 4 sous (20 centimes) en 2ème classe !

Anecdote : un voyageur qui avait pris un billet aller-retour s'en était revenu à pied dans l'espoir de jouer un bon tour au conducteur : "il doit être bien embarrassé !" s'exclamait-il devant ses amis hilares.

Il y a 5 aller-retour par jour avec correspondance avec le réseau de la compagnie de l'Est.

 
       
  La crise du vignoble en 1906 entraîna une diminution de la viticulture et de toutes les activités annexes. L'exode démographique commença. En 1910, les crues de la Seine et de la Laignes bloquèrent le trafic pendant 2 semaines et provoquèrent des dégats aux installations. Les dossiers d'extension des lignes n'avançaient plus et la guerre de 1914-1918 y mis un terme définitif. En 1923, une automotrice à essence fut mise en service, suivie par d'autres. La vapeur fut utilisée pour les marchandises. Le premier licenciement s'avéra nécessaire en 1932. Par mesure d'économie 2 automotrices furent équipées de gazogène. Curieusement, l'ensemble du personnel de conduite fut mobilisé en 1939 avec la majeure partie du personnel. En juin 1940, le pont sur la Seine fut dynamité et ne fut reconstruit qu'en janvier 1941. Une exploitation normale ne reprit qu'en 1945 mais le matériel était au bout du rouleau et les liaisons se faisaient par autocar. Le dernier train circula le 1er avril 1952.  
         

 La suite : la longue attente de la ligne